La vraie et pure Religion

D’après Calvin
(Institution de la religion chrétienne. Livre I, chapitre II.)


L’âme bien réglée ne se forge point un Dieu tel quel, mais regarde celui qui est vrai Dieu et unique. Puis après elle n’imagine point de lui ce que bon lui semble, mais elle se contente de l’avoir tel que lui-même se manifeste, et se garde soigneusement de ne point sortir, par une folle audace et témérité, hors de ce qu’il a déclaré, pour vaguer ça ni là.

Ayant ainsi connu Dieu, pour ce qu’elle sait qu’il gouverne tout, elle se confie d’être en la garde et protection d’icelui, et ainsi elle se remet du tout (entièrement) en sa garde. — Pour ce qu’elle le connaît auteur de tous biens, sitôt qu’elle se sent pressée d’affliction ou disette, elle a son recours à lui, attendant d’en être secourue. D’autant qu’elle le tient sans doute pour humain et pitoyable, elle se repose en lui avec une fiance certaine et ne doute pas qu’en toutes ses adversités elle n’ait toujours un remède prêt en la bonté de clémence d’icelui. — Pour ce qu’elle le reconnaît juste Juge et qu’il est armé de juste rigueur pour punir les maléfices et péchés, elle se met toujours devant les yeux le siège judicial d’icelui, et se tient comme bridée de la crainte qu’elle a de l’offenser. Toutefois elle ne s’épouvante pas de frayeur qu’elle ait de son jugement, en sorte qu’elle se veuille retirer ou cacher de lui, — même quand elle trouverait quelque échapatoire, — mais plutôt elle l’accepte et reçoit juge des iniques, comme bienfaiteur des fidèles, vu qu’elle connaît qu’il lui est autant convenable, — en tant qu’il est Dieu, — de rendre aux méchants le salaire qu’ils ont déservi (mérité) que de donner aux justes la vie éternelle.

Davantage elle ne se tient (s’abstient) pas seulement de mal faire pour crainte de punition, mais en tant qu’elle aime er révère Dieu comme Père, qu’elle l’honore avec humilité comme Maître à Supérieur, encore (alors même) qu’il n’y ait point d’enfers, si (néanmoins) a-t-elle horreur de l’offenser.

Voilà ce que c’est que la vraie et pure religion, à savoir la foi conjointe avec une vive crainte de Dieu, en sorte que la crainte comprenne sous soi une révérence volontaire et tire (entraîne) avec soi un service tel qu’il appartient, et tel que Dieu même l’ordonne en sa loi.