Biographie de Jean Calvin

Calvin, Caulvin, ou Chauvin, Jean, né le 18 juillet 1509 à Noyon, Picardie, le plus éminent des réformateurs français et le plus grand théologien de son siècle.

D'une famille de moyenne bourgeoisie, il étudia d'abord à Noyon, puis vint à Paris, où il entra successivement au collège La Marche (sous Mathurin Cordier) et au collège Montaigu, où il put se rencontrer avec Loyola. Grâce à son père qui était syndic du chapitre de Noyon, il avait obtenu quelques bénéfices qui l'aidaient à vivre, mais il ne tarda pas à abandonner le théologie pour le droit, et se rendit en 1528 à Bourges pour y entendre Alciat, et l'an d'après à Orléans pour entendre P. de l'Estoile. Il perdit son père le 26 mai 1531, et fut reçu docteur en juin 1533.

En avril 1532, il publia son premier livre, un Commentaire latin sur la Clémence de Sénèque. Malgré ses relations affectueuses et suivies avec son cousin Olivetan et avec le pieux Wolmar, il ne paraît pas encore à cette époque s'être joint au mouvement de réforme qui se faisait sentir si puissamment en France; le droit l'occupait seul. Un discours sur la foi justifiante, qu'il prépara pour le recteur Nicolas Cop, et qui fut prononcé le 1er novembre 1533, laisse bien entrevoir une réaction contre le dogme catholique, mais c'est seulement en mars 1534 qu'il accentue le changement qui s'est fait en lui.

Il doit fuir comme Cop, et se retire en Saintonge chez son ami le curé L. du Tillet. Il visite ensuite Nérac, Noyon où il va résigner ses bénéfices, Poitiers, Orléans, Bourges, peut-être aussi Strasbourg, Paris, où il rencontre Servet pour une 1ère fois. Après l'affaire des placards contre la messe, le 18 octobre 1534, la persécution l'oblige à s'enfuir à Strasbourg, puis à Bâle où, sous l'anagramme de Lucanius, il se consacre tout entier à l'étude. C'est là qu'il écrit en latin ce petit "livret" qui devint en mars 1536 l'Institution chrétienne, mais qui n'est pour le moment qu'une espèce de catéchisme; il lui donne pour préface, datée de Bâle le 23 août 1535, cette admirable épître à François 1er, où il plaide la cause de ses frères martyrs; et le livre lui-même, un des chefs-d'oeuvre capitale de la théologie réformée, se réimprime du vivant de l'auteur en 10 éditions latines et en 14 traductions françaises, avec des additions et chaque fois des développement nouveaux.

Sous le nom de Charles d'Espeville, et avec son ami du Tillet, seigneur de Hautmont, il visite l'Italie et voit à Ferrare Renée de France avec laquelle il étudie les questions religieuses qui agitent les esprits. En juin 1536 il retourne à Noyon pour mettre de l'ordre à ses affaires, et décide son frère Antoine à l'accompagner à Strasbourg et Bâle; mais Genève, et là Farel l'arrête par un appel solennel et pressant. En septembre il ouvre ses leçons de théologie et en décembre il est nommé pasteur. Son esprit vaste et lucide, sa volonté de fer lui assurent bientôt une autorité incontestée, comme le voit à la dispute de Lausanne et au synode de Berne. Le 1er janvier 1537, mémoire présenté au Conseil de la ville sur le gouvernement de l'Eglise; bientôt après, la publication d'un petit Catéchisme en français. Mais les Libertins lèvent la tête; ils ne veulent rien de la discipline dont ils sont menacés. Le 4 janvier 1538 les Conseils décident que la Cène ne pourra être refusée à personne, et comme les pasteurs résistent, ils sont bannis.

Calvin se rend à Strasbourg où il organise des leçons et des prédications dès le mois de septembre. Il est reçu bourgeois, et en septembre 1540 il épouse Idelette de Bure. Il entre en rapports avec les protestants d'Allemagne, assiste aux conférences de Worms et de Ratisbonne, marque par son livre sur la Cène 1540 la différence de leurs vues sur ce point de dogme, mais n'en est pas moins apprécié par Luther.

Rappelé à Genève, il accepte malgré lui ce poste de péril et de combats, et dès son retour 13 septembre 1541 il fait rédiger les Ordonnances ecclésiastiques, assurant au Consistoire l'autorité d'un tribunal des moeurs, mais sans compétence pécuniaire ou matérielle. C'est ce que quelques-uns ont cru pouvoir appeler une espèce de théocratie, bien que l'Etat comme tel n'ait jamais été placé ni sous la direction, ni sous le contrôle de l'Eglise; le contraire plutôt serait vrai, puisque les écrits de Calvin lui-même devaient être soumis à une commission du Conseil avant d'être imprimés, et que ses prédications on plus d'une fois été censurées.

L'influence de Calvin s'exerçait surtout au sein de l'Eglise et sur les individus, sans distinction de grands ou de petits. Castalion, Ameaux, le pasteur H. de la Mare, Bolsec, Trolliet, les italiens Alciat, Blandrata et Gentilis; Gruet, sentirent tout à tout les effets de son pouvoir; les uns pour cause d'hérésie, les autres pour paroles légères ou méchantes calomnies. La condamnation de Servet a laissé sur mémoire une tache d'autant plus voyante qu'elle est isolée dans l'histoire de la réforme. Les libertins luttèrent avec énergie contre l'influence croissante de Calvin; ils se donnaient l'apparence d'être le parti genevois contre l'étranger, mais en réalité ils n'étaient pas un parti religieux, et plusieurs de leurs actes relevaient de la morale plus que du dogme.

Les réfugiés qui affluaient à Genève et qui étaient admis à la bourgeoisie (1360 entre 1548 et 1554) fortifiaient le parti de Calvin, et vers 1555 on peut dire qu'il était le maître de la situation. Le 5 juin 1559 il fonda l'Académie, qui devait pendant longtemps fournir des pasteurs aux églises de France et qui jeta sur Genève un si grand lustre. Il comprenait, comme tous les réformateurs, que l'instruction était l'auxiliaire indispensable de leur oeuvre, et que pour être efficace elle devait reposer sur la Bible.

Des milliers de savants et de martyrs sont venus s'inspirer de son esprit, pour reporter non seulement en France, mais en Angleterre, en Ecosse, dans les Pays-Bas, le long du Rhin, et dans toute l'Europe les fruits de l'enseignement qu'ils avaient reçu. Sa femme était morte en 1549; elle ne lui avait donné qu'un fils, mort en bas âge; on peut se demander l'influence qu'aurait eue sur ce caractère si plein de tendresse la vie de ce petit enfant. Mais lui-même déclinait, usé par les luttes, le travail et les maladies. Le 30 mars 1564 il siégea pour la dernière fois au Consistoire; le 27 avril il fait ses adieux aux membres du Conseil qui sont venus le voir; le 28 à ses collègues; le samedi 27 mai il "s'en alla à Dieu", comme disent les registrent. Le lendemain à 2h il était enterré à Plainpalais sans pompe et sans appareil; c'est à peine à si l'on croit savoir aujourd'hui où il repose.

On a peine à se représenter l'oeuvre immense à laquelle il a consacré sa vie et ses force: prédications, leçons, voyages, commissions législatives, luttes, visites, correspondances avec les princes, avec les églises sous la croix, avec les prisonniers et les martyrs (on a de lui 2025 sermons manuscrits, et ses lettres se comptent par milliers). Ajoutez à cela ses admirables et nombreux commentaires sur presque tous les livres de la Bible, et une foule de traités et brochures de circonstance, dont la seule énumération prendrait des pages. Un grand nombre de ses ouvrages ont été souvent réimprimés, plusieurs ont vu le jour pour la 1ère fois ces dernières années; ses Lettres, par Jules Bonnet, sa Correspondance par Herminjard; ses Commentaires sur les Psaumes, par L. Pilatte; ses Oeuvres complètes par Baum, Cunitz et Reuss. Sa Vie a été écrite par Théodore de Bèze, Henry, Kampschulte, Merle d'Aubigné, Bungener, Stähelin, Guizot, Hoff.